La science a fait d’incroyables progrès, nos médecins sont de plus en plus expérimentés et pourtant la société tend inexorablement à se ranger du côté des sceptiques. On a tous déjà eu des soucis de canalisation, ou une chaudière qui tombe en panne… notre réflexe, appeler un spécialiste pour venir réparer l’objet de nos déboires… et personne ne va chercher à remettre en question le diagnostic du réparateur. La logique voudrait que lorsqu’un médecin prescrit un traitement, le patient suive consciencieusement l’ordonnance. Cette réflexion emplie de perspicacité est toutefois assez binaire et ne prend pas en compte les facteurs psychologiques, socio-démographiques et les croyances des patients.
En effet, il y a un réel problème de non-observance thérapeutique en France et il serait injuste de tout mettre sur le dos des patients, qui in fine, sont les seules vraies victimes de leur sort.
La relation médecin-patient a bien évolué, avant elle reposait essentiellement sur un modèle « paternaliste », avec d’un côté le médecin, être doté de savoir, d’objectivité et de discernement ; de l’autre le patient confiant aveuglement sa vie aux mains de l’expert. Tout reposait sur le principe de bienfaisance, « primum nil nocere » et la confiance du patient vis-à-vis de son toubib. Il y a eu la guerre et ses horreurs, de l’atrocité naquit cependant un nouveau paradigme, le modèle « délibératif » reposant sur la notion de consentement éclairé du malade (codes de Nuremberg - 1947). Pour la première fois de l’histoire, le patient obtenait un droit de regard sur son traitement thérapeutique… droit de regard qui s’est transformé en vraie remise en cause des paroles d’évangile du corps médical.
L’écriture sacrifia la mémoire, internet dispersa le savoir. Je nuance cette image satirique : pour qui sait s’en servir, internet est une mine infinie de connaissances qui se remplit et s’affine un peu plus chaque jour, mais encore faut-il savoir choisir ses sources et discerner le vrai du faux dans la multitude d’articles, d’études et de blogs existant sur la toile. Un patient lambda est avant tout un être humain avec du vécu, un cercle social, des valeurs, des sentiments, des croyances… et surtout une certaine appréhension pour tout ce qui touche de près ou de loin à la science et au médical ; car après tout c’est de sa vie dont il s’agit. Il ne sera pas à la recherche de « la preuve scientifique » mais de « sa preuve », scientifique ou non, il s’informera alors de lui-même sur un blog, sur Youtube, sur les réseaux sociaux ou préfèrera écouter les boniments de ses amis ou de sa famille. Et c’est bien normal ! Les articles scientifiques, c’est compliqué à lire et fastidieux à comprendre, rajoutons à cela les scandales médiatiques autour des traitements thérapeutiques et les scientifiques surmédiatisés qui se tirent dans les pattes… nous obtenons alors la recette parfaite pour étayer la théorie du complot des Big Pharmas.
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Mais c’est quoi l’observance au juste ?
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Respecter la posologie prescrite tel un mougeon ? Rendre des comptes à son médecin, qui, maître de son diagnostic validera ou non votre prise de médicament ? Chacun sa petite définition… je préfère penser que l’observance c’est avant tout la communication et l’alignement entre la science, les professionnels de santé (médecins traitants, spécialistes, pharmaciens, infirmiers …) et les patients. C’est donc à nous tous, acteurs de la santé d’endosser le rôle de guide afin de briser les croyances établies, démanteler les idées reçues, redorer l’image de la science et éduquer la population afin de vaincre la méfiance qui pèse sur notre société. La transparence doit être totale pour renforcer le lien médecin-patient, cela passe par le fond mais aussi la forme. La volonté de bien faire, de se renouveler, de faire avancer les choses est présente, le problème c’est le temps… médecin de l’âme et pourtant manquant cruellement aux personnels soignants. D'ailleurs "observance" est un terme anachronique qui sonne creux, qui chosifie le patient, comme si ne pas prendre son traitement relevait d'une "bêtise"... c'est pourquoi aujourd'hui on préfère parler d'adhésion au traitement thérapeutique.
L’inobservance ne s’explique pas uniquement par la méfiance et la désinformation d’une certaine partie de la population. Certains patients ne supportent tout simplement plus le traitement, c’est pourquoi l’industrie s’oriente de plus en plus vers des solutions thérapeutiques non contraignantes (administration facile, rapide, non dégradante, autonomie…). Prenons par exemple le comprimé oral : ce mode d’administration remplit toutes les caractéristiques pour améliorer la prise de médicament… et donc réduire l’inobservance !? Pas vraiment, regardons de plus près. Iris est atteinte de Leucémie Myéloïde Chronique (LMC), son traitement consiste à prendre un comprimé par jour. Le simple fait d’oublier de prendre son cachet deux fois par mois peut avoir des conséquences graves sur son pronostic de guérison… elle n’est plus convoquée à l’hôpital et passe ainsi sous le radar du personnel soignant. Avec les comprimés oraux, on cède la responsabilité aux patients, on les laisse libres de prendre ou non leur traitement, faut-il alors changer notre mode de fonctionnement pour les personnes à haut risque et les contraindre à prendre leur traitement sous surveillance ?
Dans cet article, nous avons mis en exergue certaines composantes de notre époque qui contribuent à l’intensification de l’inobservance thérapeutique. Le scepticisme et la désinformation du grand public, l'autonomie du patient dans la gestion de son traitement médicamenteux, un mauvais alignement entre les différents acteurs de la santé et le manque de temps consacré aux patients par l’ensemble du corps médical ; on pourrait aussi parler du danger que représente l’automédication, des mécanismes de défense tels que le déni de l’Homme lorsqu’il apprend sa maladie ou encore la peur d’être jugé par son médecin amenant le patient à mentir ou à taire certaines informations médicales potentiellement importantes. Et pourtant des solutions sont apportées chaque jour pour lutter contre l’inobservance : des associations de patients se forment aux quatre coins de la France ; l’industrie pharmaceutique s’efforce de proposer des services et développer des outils à destination des médecins et des patients ; l’éducation thérapeutique est renforcée par des moyens de communication davantage pédagogiques ; les médecins perfectionnent leur approche patiente…
Mais tout cela a un coût, financier certes (bien que résoudre le problème de non-observance serait plus efficace que l’avènement de n’importe quel progrès médical) mais aussi et surtout temporel. On pourrait essayer de décortiquer à qui la faute ; à la négligence du patient s’autolysant à petit feu, au médecin trop occupé à enchainer les consultations, au cafouillage du système de santé… et pourquoi pas même à l’homéopathie, maître de secte, pour certains, de la médecine alternative. Au lieu de désigner les coupables, voyons le bon côté des choses, on parle de plus en plus du problème de non-observance, de son impact économique et de l’effet désastreux sur la santé des malades. Les professionnels de santé s’accordent sur le fait qu’une réforme de notre système de soins s’impose et qu’il est enfin temps de considérer l’observance thérapeutique comme un problème de santé public majeur.
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FMad est l'agence conseil spécialiste des campagnes environnement dans le domaine de la santé.